Edito du dimanche 28 février : La transfiguration
La Transfiguration (Marc 9, 2 – 10)
Qu’est-ce que la transfiguration? On pourrait la définir comme révélation de la gloire de Dieu, de
sa lumière et de sa vérité à travers le corps humain, mais plus complètement encore, à travers la
nature humaine de Jésus. Des Pères de l’Eglise ont insisté sur le fait que ce jour-là, Jésus n’est
pas transformé, il est transfiguré. « Son visage reste le même, mais resplendit d’une lumière que
la parole humaine ne peut exprimer » (Catena aurea, Théophile). La vision de cette nature
humaine assumée par la divinité est donnée pour soutenir l’espérance de Pierre, Jacques et Jean.
Jésus, qui marche vers sa passion, vit déjà en lui-même de la gloire qui sera celle du ressuscité,
et la manifeste pour quelques instants.
Cet évènement souligne aussi l’importance du corps dans le christianisme, ce qui est parfois
occulté aujourd’hui. Jésus est transfiguré dans son corps pour susciter l’espérance de la
résurrection, de notre propre résurrection. Jésus est bien le messie qui doit souffrir et ressusciter.
Ses vêtements deviennent éclatants pour signifier que tout ce qui se rapporte à Jésus est
transfiguré, donc nous sommes aussi appelés à être transfigurés et à ressusciter. Mais la gloire,
conséquence et témoignage de l’amour éternel de Dieu et de sa force, vient de Dieu seul. La
gloire fait retrouver l’éclat, la pureté du corps et de la nature de l’homme avant la chute originelle.
C’est le corps du Christ, il faudrait dire l’humanité sainte du Christ, qui est médiation pour aller
vers le Père.
Dans ce texte, Moïse et Elie sont présents. Ils signifient la loi et les prophètes, dont Jésus
accomplit les promesses. Les apôtres et nous-mêmes succèdent aux prophètes dans la mesure
où l’enseignement du Christ, poursuivi dans et par son Eglise, a été préfiguré par les annonces
des prophètes. L’important est ici que, dans la foi chrétienne, tout a une dimension
d’accomplissement, le Christ n’abolit pas mais accomplit.
Pierre propose à Jésus de faire trois tentes pour s’installer sur le Thabor. C’est la tentation
permanente que nous avons tous de nous installer dans un acquis, même spirituel, dans un
bonheur dont on ne voudrait pas qu’il ne soit que fugace. Mais Dieu bouleverse tous ces plans :
Le royaume de Dieu n’est pas pour la terre et pour le corps mortel, la nature mortelle, il n’est pas
pour des tentes faites de main d’homme mais pour la maison du Père. La tentation est aussi ici
celle d’éviter la souffrance, rester là où il fait bon. « C’est trop bien » comme on dit parfois
aujourd’hui. D’après Origène, assez psychologue à ce sujet, Pierre était parfois poussé par un
autre esprit que celui de Jésus, par exemple lorsqu’il prétend empêcher le seigneur de marcher
vers sa Pâques. C’est la séduction, qui sous l’apparence du bien, prétend éviter la mort et la
souffrance. Nous aussi, sommes souvent victimes du murage des séductions toujours multiples.
Bède le Vénérable explique que, quand survient la nuée, c’est le Père céleste lui-même qui
protège les hommes et leur enjoint de passer par la médiation de Jésus Christ: « Ecoutez-le ». La
fin du texte illustre parfaitement le fait que cette théophanie révèle notre relation de croyants à la
Sainte Trinité : comme au baptême, l’humanité sainte de jésus est présente, la voix du Père se
manifeste, la nuée les couvre de son ombre (l’Esprit Saint, comme au jour de l’Annonciation). La
véritable identité de Jésus est ainsi révélée, mais les apôtres (et nous-mêmes,
malheureusement ?) retiennent l’annonce de la résurrection sans la comprendre vraiment.
Commentant ce passage de l’évangile de Saint Marc, Saint Jean-Baptiste de La Salle rappelle
que Jésus possédait toujours la gloire au dedans de lui, et que donc, le changement ne pouvait
que paraître à l’extérieur. Il poursuit: « il n’en est pas de même à notre égard ; car il est nécessaire
que ce changement qui se doit faire en nous, soit dans l’intérieur, et que nous soyons tout à fait
transformés par la lumière et la plénitude de la grâce et par la possession de l’esprit de Dieu. Et,
si ensuite, il paraît quelque changement dans notre extérieur, il faut qu’il n’arrive que par un
rejaillissement du bonheur dont nous jouirons dans le fond de notre âme, parce qu’alors elle ne
sera occupée que de Dieu, et de ce que nous devons faire pour l’amour de lui » (Méditation 152
pour les fêtes).
C’est la grâce qu’on peut souhaiter pour ce temps de carême.
Olivier Perru